• Biographie et contexte.

     

     

    Gil Scott Heron est un artiste américain, à la fois poète et musicien, qui s'est éteint en 2011 à l'âge de 62 ans. Au rayon de ses grands succès, deux morceaux paraissent incontournables: « the bottle », dont la postérité a été assurée par son immense succès lors de sa sortie en 1975, mais aussi par les reprises - pas toujours très heureuses – des nombreux artistes qu'il a inspirés. Et puis il y a surtout ce morceau inoubliable, intitulé « the revolution will not be televised », dont le titre résume parfaitement le propos de l'artiste. À cette société qui s'assoupit dans son fauteuil, devant son poste de télévision, Gil Scott Heron adresse un avertissement cinglant : tant que nous resterons passifs, rien de nouveau ne pourra advenir. Le futur, c'est à nous de l'écrire.

    Cette nécessité de s'engager est réaffirmée dans de nombreux morceaux. Et dans les années 70, à l'époque où les noirs américains ressentent encore les effets des lois ségrégationnistes, Gil Scott Heron a les yeux tournés vers l'Afrique du sud, pays dans lequel le régime de l'apartheid prive encore les noirs de tout droit civique. Au tout début de la décennie, bien que les grèves soient encore interdites, les mouvements de protestation se multiplient dans tout le pays, notamment chez les mineurs de Johannesbourg. Mais l'information, aux mains de la population blanche, a beaucoup de mal à passer les frontières du pays. Les nouvelles qui parviennent aux américains sont  à la fois tronquées et suspectes: il est fort probable que les autorités sud-africaines cherchent en effet à contenir les critiques de l'opinion publique internationale en minimisant la violence de leur répression.

    Pour clamer haut et fort sa solidarité à l'égard de ce peuple noir, qui lutte contre l'oppression d'un système ségrégationniste, Gil Scott Heron sort en 1975 un morceau sobrement intitulé « Johannesburg ». Dans cette chanson, il s'adresse à son public pour lui demander ce qu'il se passe là-bas. Si les informations sur le sort des noirs d'Afrique du Sud ont du mal à parvenir jusqu'en Amérique, c'est aux américains eux-mêmes d'aller chercher l'information. Gil Scott Heron exhorte ainsi son public à tendre l'oreille aux cris qui leur arrivent de là-bas. Et il espère aussi que, de leur côté, ses frères africains pourront entendre son message de solidarité.

     

    Le texte et sa traduction.

     

     

     

    What's the word? 
    Tell me brother, have you heard 
    From Johannesburg? 
    What's the word? 
    Sister/woman have you heard 
    From Johannesburg? 
    They tell me that our brothers over there 
    Are defyin' the Man 
    We don't know for sure because the news we 
    Get is unreliable, man 
    Well I hate it when the blood starts flowin' 
    But I'm glad to see resistance growin' 
    Somebody tell me what's the word? 
    Tell me brother, have you heard 
    From Johannesburg? 
    They tell me that our brothers over there 
    Refuse to work in the mines, 
    They may not get the news but they need to know 
    We're on their side. 
    Now sometimes distance brings 
    Misunderstanding, 
    But deep in my heart I'm demanding; 
    Somebody tell me what's the word? 
    Sister/woman have you heard 
    'bout Johannesburg? 
    I know that their strugglin' over there 
    Ain't gonna free me, 
    But we all need to be strugglin' 
    If we're gonna be free 
    Don't you wanna be free?

    Quel est le mot?
    Dis-moi frère, as-tu entendu,
    En provenance de Johannesburg?
    Quel est le mot?
    Soeur / femme avez-vous entendu
    Depuis Johannesburg?
    On me dit que nos frères là-bas
    Défient «l'Homme »
    Nous ne savons pas avec certitude, car les nouvelles que nous recevons ne sont pas fiables, mec
    Eh bien, je déteste quand le sang commence à couler
    Mais je me flatte de voir grandir la résistance
    Quelqu'un me dit quel est le mot?
    Dis-moi frère, as-tu entendu
    En provenance de Johannesburg?
    On me dit que nos frères là-bas
    Refusent de travailler dans les mines,
    Ils ne peuvent pas avoir des nouvelles, mais ils ont besoin de savoir
    Que nous sommes à leurs côtés.
    Après, parfois la distance génère
    Des incompréhensions,
    Mais au fond de mon cœur, je l'exige;
    Quelqu'un me dit quel est le mot?
    Soeur / femme avez-vous entendu
    Au sujet de Johannesburg?
    Je sais que leur combat là-bas
    Ne va pas me libérer,
    Mais nous avons tous besoin d'être combatifs
    Si on veut être libres
    Ne veux-tu pas être libre?

     

    Analyse du morceau.

     

     

    Ce qui frappe, au niveau du texte, c'est l'insistance avec laquelle Gil Scott Heron interpelle son public. Il lui réclame de s'interroger lui-aussi sur ce qui se passe en Afrique du Sud. Là-bas, l'Homme avec un grand « H » est nécessairement blanc : les noirs sont non seulement opprimés, mais aussi niés en tant qu'êtres humains par le régime de l'apartheid. Et si Gil Scott Heron se revendique comme un pacifiste, il ne peut que se réjouir des fissures que les grèves à répétition produisent dans ce système abject. Le sang coule, mais la liberté progresse.

    Ce combat des sud-africains est aussi un rappel pour les noirs américains : eux aussi doivent continuer à se battre pour leurs droits, car personne ne le fera pour eux.

    Dans le live ci-dessous, on aperçoit un Chekéré, un instrument originaire d'Afrique de l'ouest, dans les mains d'un musicien coiffé d'un bonnet tribal. Difficile d'en déterminer la provenance exacte, mais on peut penser, sans trop extrapoler, qu'il s'agit d'une coiffe traditionnelle appartenant à un des nombreux peuples d'Afrique du Sud. Par ce petit clin d'oeil, Heron et ses musiciens réduisent un peu la distance qui les sépare du peuple sud-africain.

     

    Vidéo à l'adresse suivante:

    http://www.wat.tv/video/gil-scott-heron-johannesburg-74ozv_74oz5_.html

     

     

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